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Déchets : le sort des installations de tri mécano-biologique reste en suspens

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Le projet d’usine d’incinération et de TMB d’Echillais, près de Rochefort, reprend des couleurs. Le projet porté par le Syndicat intercommunautaire du littoral (SIL) avait fait l’objet d’une autorisation ICPE le 15 octobre 2014, autorisation annulée par le TA puis la CAA de Bordeaux le 12 décembre 2017 (n° 17BX01387 et 17BX01388).

Par un arrêt du 26 juin 2019, le Conseil d’Etat a censuré l’arrêt d’appel en jugeant ce qui suit :

Le I de l’article L. 541-1 du code de l’environnement, dans sa rédaction issue de la loi de transition énergétique du 17 août 2015, définit les objectifs de la politique nationale de prévention et de gestion des déchets. Il prévoit notamment, par son 4°, que :  » (…) La généralisation du tri à la source des biodéchets, en orientant ces déchets vers des filières de valorisation matière de qualité, rend non pertinente la création de nouvelles installations de tri mécano-biologique d’ordures ménagères résiduelles n’ayant pas fait l’objet d’un tri à la source des biodéchets, qui doit donc être évitée et ne fait, en conséquence, plus l’objet d’aides des pouvoirs publics (…) « .

4. Il résulte des termes de cet article, éclairés par les travaux parlementaires ayant conduit à l’adoption de la loi de transition énergétique, que le législateur n’a entendu viser que la création, postérieurement à l’entrée en vigueur de la loi, de nouvelles installations de tri mécano-biologique d’ordures ménagères. Il s’ensuit que les objectifs ainsi fixés par la loi ne sauraient, en tout état de cause, s’appliquer à des installations de tri ayant été autorisées avant le 19 août 2015, date d’entrée en vigueur de la loi du 17 août 2015.

5. Il résulte de ce qui précède qu’en se fondant sur les termes de l’article L. 541-1 du code de l’environnement dans leur rédaction issue de la loi du 17 août 2015 pour annuler l’arrêté préfectoral du 15 octobre 2014 ayant autorisé l’installation en cause, la cour administrative d’appel de Bordeaux a commis une erreur de droit. Par suite, sans qu’il soit besoin d’examiner les autres moyens du pourvoi, le Syndicat intercommunautaire du littoral est fondé à demander l’annulation des articles 4, 6 et 7 de l’arrêt qu’il attaque.

L’affaire est renvoyée, dans cette mesure, devant la CAA de Bordeaux.

Malheureusement, le Conseil d’Etat ne nous éclaire pas sur le sort des autorisations délivrées après le 19 août 2015. Et a priori, la CAA de Bordeaux n’en dira pas davantage dans cette affaire.

Le rapporteur public Stéphane Hoynck invitait le Conseil d’Etat à juger que les dispositions du I 4° précitées, parlant d’installations « non pertinentes » dont la création doit être « évitée », étaient des dispositions programmatiques sans valeur normative, contrairement à ce qu’avait jugé la CAA de Bordeaux.

Il proposait de censurer une deuxième erreur de droit. La CAA de Bordeaux a jugé que le projet était incompatible avec la hiérarchie des modalités de gestion des déchets posée par l’article L.541-1 c. env. (réutilisation, recyclage, valorisation, élimination). Pour le rapporteur public, cette hiérarchie ne s’impose pas de façon rigide et il convient de se référer au plan de prévention et de gestion des déchets, lequel « décline localement » ces objectifs. En l’occurrence, le projet était compatible avec le plan départemental de gestion des déchets (devenu régional depuis la loi NOTRe du 7 août 2015) et la CAA aurait du s’en tenir à cette compatibilité.

Pour le rapporteur public, « l’interdiction pure et simple des installations mécano-biologiques n’a pas de sens tant que les déchets ménagers ne font pas l’objet d’un tri à la source intégral et effectif ».

Le Conseil d’Etat n’a pas voulu suivre ce dernier dans ces réflexions. Il a annulé l’arrêt de la CAA au seul motif que les installations TMB autorisées avant le 19 août 2015, ne sont « en tout état de cause », pas concernées par ces « objectifs ». De fait, le sort des installations de TMB autorisées après le 19 août 2015 reste en suspens.

> CE, 26 juin 2019, n° 416924, SIL
> Conclusions du rapporteur public publiées au BDEI de septembre 2019