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Hydrogène, bientôt un cahier des charges pour soutenir la production d’hydrogène renouvelable ou bas-carbone

Hydrogène

Attendu depuis plus de deux ans, le décret relatif au dispositif de soutien à la production de certaines catégories d’hydrogène est paru au JORF le 3 septembre dernier. Il précise les modalités de sélection des projets de production d’hydrogène renouvelable et bas carbone à partir de l’électrolyse de l’eau admis à bénéficier d’un soutien public. Le décret est accompagné d’un projet de cahier des charges qui fait actuellement l’objet d’une consultation ouverte jusqu’au 20 octobre.  

Le décret et son futur cahier des charges complètent l’édifice juridique adopté à ce jour pour encadrer et promouvoir la production d’hydrogène renouvelable et bas carbone :

  • la directive 2018/2001 du Parlement européen et du Conseil en date du 11 décembre 2018, relative à la promotion de l’utilisation de l’énergie produite à partir de sources renouvelables (dite « RED II »);
  • l’ordonnance n°2021-167 du 17 février 2021 relative à l’hydrogène

Le mécanisme de soutien lancé par le Gouvernement a vocation à soutenir le développement de la filière hydrogène en subventionnant 1GW d’électrolyseurs sur les 4 prochaines années (3 tranches d’appel d’offre) pour un coût estimé à 4 milliards d’euros.

Les porteurs de projet pourront déposer une demande d’aide au fonctionnement, qui prendra la forme d’un complément de rémunération ou une demande combinée d’aide financière à l’investissement et d’aide au fonctionnement qui permettra un subventionnement direct de l’électrolyseur, étant précisé que le niveau de subvention d’investissement ne peut excéder 50% des coûts du projet. Le « contrat d’aide » sera signé pour une durée de 15 ans.

Conformément au principe de non-cumul des aides, il est rappelé que les subventions accordées aux projets « seront fixées en tenant compte des autres aides financières ou fiscales » dont pourraient bénéficier les lauréats (article 6.2 du projet de cahier des charges).

Les modalités du soutien public doivent encore être notifiées à la Commission Européenne, laquelle ne pourra rendre sa décision que sur la base du cahier des charges finalisé.

Procédure de sélection des candidats

La sélection des candidats admis à bénéficier du soutien public est effectuée par une procédure de mise en concurrence pilotée non pas par la CRE, mais par le ministre en charge de l’énergie avec le soutien de l’ADEME.

Concernant la première tranche (mise en concurrence pour 150 MW en 2024), il est prévu que la procédure débute par une phase de candidature au cours de laquelle les candidats intéressés seront amenés à déposer leur candidature en termes de capacités techniques et financières.

Parmi les candidats éligibles, cinq seront sélectionnés pour participer à la phase de dialogue concurrentiel dont l’objectif est d’aboutir à un cahier des charges finalisé. Les candidats sélectionnés seront ensuite amenés à présenter leur dossier définitif de demande d’aide conformément au cahier des charges élaboré conjointement.

Les tranches suivantes (250 MW en 2025 et 600 MW en 2026) ne devraient pas faire l’objet d’une procédure allongée passant par la phase de dialogue concurrentiel, ce dernier ayant pour objectif principal l’établissement d’un cahier des charges pertinent rédigé en lien avec les acteurs de la filière.

Une consultation est actuellement en cours sur le projet de cahier des charges et ce jusqu’au 20 octobre 2023 à 20h.

Focus sur les groupements

Alors qu’une forme de flou pouvait perdurer quant à l’évolution de la composition des groupements candidats, notamment concernant les appels d’offres pour l’éolien en mer, le présent projet de cahier des charges se veut très précis sur la composition des groupements candidats.

En effet, il est clairement prévu que les membres d’un groupement candidat ne peuvent participer qu’à un seul groupement candidat et ne peuvent pas présenter de candidature individuelle en sus de leur participation au groupement (article 1.8 du projet de cahier des charges).

Des conditions d’éligibilité classiques …

De façon classique, seule une personne morale installée sur le territoire d’un État membre de l’Union européenne ou de l’Espace économique européen, exploitant ou désirant construire et exploiter une unité de production sur le territoire national pourra bénéficier de l’aide publique pour la production d’hydrogène décarboné.

Seules les quantités d’hydrogène mises à la consommation en France pourront donner lieu à l’octroi d’aides, l’exportation de tout ou partie de la production pouvant entrainer la résiliation du contrat d’aide et le remboursement des aides perçues (article 5.8.2 du projet de cahier des charges). Enfin, seules les installations nouvelles seront éligibles.

… et d’autres plus sélectives

Le projet de cahier des charges prévoit que seuls les projets d’une puissance supérieure à 30 MW seront éligibles à l’aide publique (article 4.6.1. du projet de cahier des charges). Ce critère est largement mis en avant puisque la modification de la puissance installée avant l’achèvement de l’installation est autorisée mais ne pourra pas devenir inférieure à 30 MW (article 5.7.1. du projet de cahier des charges) sous peine de résiliation du contrat d’aide à l’initiative de l’Etat (article 6.12 du projet de cahier des charges).

Par ailleurs, seuls certains usages de l’hydrogène décarboné seront susceptibles de bénéficier de l’aide, il s’agit du raffinage de carburant, de la production de carburants de synthèse (ou e-fuel) et des usages industriels directs et sans mélange en France (article 4.6.1 du projet de cahier des charges). La production d’hydrogène pour palier l’intermittence des énergies renouvelables, via la réinjection d’électricité dans le réseau, ne fait donc pas partie des projets éligibles, selon notre compréhension.

L’article 2.4.4 iii) vient sonner le glas des espoirs nourris par les « petits » porteurs de projet puisque pour répondre aux exigences techniques de la phase d’admissibilité, le candidat doit produire une note faisant état d’au moins cinq « projets industriels comportant des risques technologiques mis en service par lui-même ou les actionnaires qui le contrôlent au cours des dix années qui précèdent la remise de la candidature et pour lesquels le coût d’investissement est supérieur à 30M€ ».

Enfin, seuls l’hydrogène renouvelable et l’hydrogène bas-carbone produits par électrolyse de l’eau seront susceptibles d’être soutenus au titre de la procédure d’appel d’offres.

Au regard des critères très restrictifs du projet de cahier des charges, il est légitime de questionner l’objectif de ce mécanisme de soutien. Bien que le développement de toute la filière hydrogène soit mis en avant, les critères semblent favoriser les gros porteurs de projet avant tout, soit les énergéticiens nationaux ou internationaux, au détriment des « pure players » de l’hydrogène.

En amont de la publication du projet de cahier des charges, France Hydrogène se déclarait favorable à un abaissement du seuil d’éligibilité des projets à  20 MW d’électrolyse. Le syndicat pointait le risque d’un retard de maturité pour la filière hydrogène française dans le cas où seuls les gros projets, au temps de développement long, seraient soutenus. France Hydrogène voyait également le risque de ne pas encourager l’émergence d’un marché composé de multiples acteurs.

Un appel d’offres européen moins élitiste

De son côté, la Commission Européenne a lancé un appel d’offres pilote sous l’égide de la Banque européenne de l’hydrogène. L’objectif de cette procédure est de développer la filière hydrogène en Europe en subventionnant des projets de production d’hydrogène décarboné afin de réduire l’écart de coût entre l’hydrogène renouvelable et fossile et également, de permettre la formation d’un marché de l’hydrogène renouvelable.

L’appel d’offres dont le cahier des charges a été publié fin août 2023 prévoit le versement d’un complément de prix pour chaque unité d’hydrogène produite. Le contrat d’aide est conclu pour une durée de 10 ans et les conditions d’éligibilité ne restreignent pas la production d’hydrogène à un procédé technologique, comme c’est le cas en France. Enfin, tous les projets dont la puissance installée est de 5 MW minimum seront admis à candidater. Le cumul avec le « contrat d’aide » décrit ci-dessus semble interdit (art. 4 du cahier des charges).

Bien que l’appel d’offres européen ne soit qu’un projet pilote, il semble mieux répondre à l’objectif de développement d’une filière hydrogène à l’échelle européenne en permettant à des nouveaux porteurs de projets de bénéficier d’un soutien public et ainsi de faire croitre la production d’hydrogène renouvelable à toutes les échelles.

Remerciements à Charlotte Hacot, juriste au pôle Energie et Environnement du cabinet HK legal, pour sa contribution à la rédaction de cet article.