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Le juge judiciaire n’a pas à s’immiscer dans la police des installations classées

Contentieux, Installation classée, Jurisprudence, Trouble voisinage

C’est un rappel salutaire de la Cour de cassation dans le dossier des éoliennes proches du chateau de Flers dans le Nord. Par une décision du 17 septembre 2013, Le TGI de Montpellier avait défrayé la chronique en condamnant la Compagnie du vent à démonter ses 10 éoliennes en application de la théorie des troubles anormaux de voisinage. Après avoir caractérisé un préjudice esthétique, sonore et une atteinte à la vue, le tribunal avait retenu que

 Attendu que cet ensemble de nuisances, de caractère tout à fait inhabituel, permanent et rapidement insupportable crée un préjudice dépassant les inconvénients normaux de voisinage, constituant une violation du droit de propriété des époux W. contraire à l’article 544 du code civil auquel il convient de mettre fin pour l’avenir par démontage des éoliennes, et qui justifie une indemnisation en dommages-intérêts pour ce qui est du préjudice déjà réalisé

Un jugement censuré en appel (CA Montpellier, 28 juillet 2015, n° 13/06957), que la Cour de cassation a, par un arrêt du 25 janvier 2017, confirmé (n° 15-25526, publié au Bulletin). Après avoir rappelé que les éoliennes sont soumises au régime des ICPE, la Cour de cassation pose le considérant de principe :

les tribunaux judiciaires ont compétence pour se prononcer tant sur les dommages-intérêts à allouer aux tiers lésés par le voisinage d’une telle installation classée que sur les mesures propres à faire cesser le préjudice que cette installation pourrait causer dans l’avenir, à condition que ces mesures ne contrarient pas les prescriptions édictées par l’administration en vertu des pouvoirs de police spéciale qu’elle détient

Et d’ajouter :

que le principe de la séparation des autorités administratives et judiciaires s’oppose, en effet, à ce que le juge judiciaire substitue sa propre appréciation à celle que l’autorité administrative a portée sur les dangers ou inconvénients que peuvent présenter ces installations [pour l’environnement]; que c’est donc à bon droit que la cour d’appel a retenu que la demande tendant à obtenir l’enlèvement des éoliennes litigieuses, au motif que leur implantation et leur fonctionnement seraient à l’origine d’un préjudice visuel et esthétique et de nuisances sonores, impliquait une immixtion du juge judiciaire dans l’exercice de cette police administrative spéciale et qu’elle a, en conséquence, relevé d’office, en application de l’article 92 du code de procédure civile, l’incompétence de la juridiction judiciaire pour en connaître

Une jurisprudence qui n’est ni nouvelle (cf. Cass. civ. 1, 26 février 1963, Bull. n° 126 ; Cass.civ.1, 18 novembre 1981, pourvoi n° 79-14320 inédit ; Cass. civ. 1, 17 oct. 2007, n° 06 -21054 publié au bulletin; Tribunal des conflits, 14 mai 2012, n° C3848), ni totalement constante (Cass. civ. 3, 14 janvier 2014, n° 13-10167 ordonnant l’arrêt de l’activité d’une centrale à béton créant des nuisances « excédant les inconvénients normaux du voisinage »).

> Cass. civ. 1, 25 janvier 2017, n° 15-25526