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Le cabinet HK legal défend un projet photovoltaïque développé par le producteur CVE et obtient gain de cause dans une affaire de dérogation espèces protégées (CAA Bordeaux, 10 juin 2025, n° 24BX02196)

Energie, Espèces protégées, Jp cabinet, Photovoltaïque

Un projet photovoltaïque au sol développé par le producteur CVE, que nous représentions, a été doublement attaqué par une association de protection de l’environnement, les Amis de la Terre section Gers.

Le premier recours était dirigé contre le permis de construire. Devant le tribunal administratif de Pau, il a abouti à une décision avant dire-droit invitant à régulariser le permis de construire, au motif que l’étude d’impact était insuffisante, de même que les prescriptions environnementales, pour garantir la préservation d’espèces d’amphibiens protégés. Cas particulier: ces espèces sont apparues dans une « mare intermittente » en cours de contentieux – la mare étant asséchée lors de l’inventaire faune-flore réalisé quelques années auparavant… (sur ce sujet, voir notre article récent au Moniteur)

Le deuxième recours était dirigé contre le refus implicite du préfet d’imposer une dérogation espèces protégées en présence de cet habitat intermittent. En première instance, le tribunal administratif de Pau a annulé le refus préfectoral d’imposer une DEP et enjoint le préfet à demander cette DEP. En appel, nous avons obtenu l’annulation du jugement sur le fond : à la lumière des mesures d’évitement et de réduction, c’est à tort que le tribunal a retenu que le projet présentait un « risque suffisamment caractérisé » pour les trois espèces d’amphibien.

Au-delà des faits de l’espèce, cet arrêt est intéressant à deux égards :

  1. Nous soutenions que le juge de la dérogation espèces protégées était un juge de l’excès de pouvoir, qu’il ne pouvait donc s’appuyer sur des faits postérieurs à la décision attaquée pour apprécier sa légalité (ex: une évolution de l’environnement sur le site du projet, illustrée par un rapport produit par l’association requérante). La Cour a considéré au contraire que le juge de la DEP est un juge de plein contentieux, au motif que la DEP est une autorisation prévue par le code de l’environnement à laquelle s’appliquent les articles L.171-7 et L.171-8 du code de l’environnement. Or selon l’article L.171-11, les décisions prises sur ce fondement sont soumises à un contentieux de pleine juridiction.

    Concrètement, cela veut dire qu’un porteur de projet qui a su démontrer, étude d’impact à l’appui, qu’une dérogation espèce protégée n’était pas nécessaire au moment où il a déposé son projet (au regard des critères posés par le nouvel article L.411-2-1 al.1), n’est pas « sorti d’affaire ». Un opposant pourra toujours tenter de remettre en cause l’absence de DEP en rapportant l’apparition d’un habitat ou d’une espèce protégée nouvelle pendant la procédure contentieuse ou même plusieurs années plus tard, ce qui pose un sérieux problème de sécurité juridique.A la demande d’un tiers ou de sa propre initiative, le préfet peut en effet, imposer une DEP « à tout moment ». Selon nous, cela ne vaut pas seulement pour les projets soumis à autorisation environnementale comme le suggérait l’arrêt de principe (CE, 8 juillet 2024, LPO, n° 471174), mais également ceux soumis à permis de construire ou d’aménager, comme un projet photovoltaïque ou un centre commercial (voir en ce sens le récent arrêt CE 15 septembre 2025, Association Bretagne vivante, n° 498290 visant également l’article L.171-7).

  2. Le fameux avis Sud Artois du Conseil d’Etat (9 décembre 2022, n° 463563) a été repris par la loi APER du 30 avril 2025, à l’article L.411-2-1 al. 1 c. env. : « La dérogation mentionnée au 4° du I de l’article L. 411-2 n’est pas requise lorsqu’un projet comporte des mesures d’évitement et de réduction présentant des garanties d’effectivité telles qu’elles permettent de diminuer le risque de destruction ou de perturbation des espèces mentionnées à l’article L. 411-1 au point que ce risque apparaisse comme n’étant pas suffisamment caractérisé et lorsque ce projet intègre un dispositif de suivi permettant d’évaluer l’efficacité de ces mesures et, le cas échéant, de prendre toute mesure supplémentaire nécessaire pour garantir l’absence d’incidence négative importante sur le maintien, dans un état de conservation favorable, des populations des espèces concernées. ».L’association a tenté de soutenir que ces dispositions sont trop permissives et contraires à la directive Habitat du 21 mai 1992. Après avoir examiné la directive Habitat et la directive RED III, la CAA a écarté cette exception d’inconventionnalité et refusé de renvoyer la question préjudicielle à la CJUE. Est ainsi confirmé, pour la première fois, que les conditions légales de dispense de DEP posées à l’article L.411-2-1 sont conformes au droit de l’UE.

L’association a porté l’affaire devant le Conseil d’Etat.

> CAA de BORDEAUX, 5ème chambre, 10/06/2025, 24BX02196, Inédit au recueil Lebon – Légifrance

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