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Exploiter irrégulièrement une ICPE est un acte de concurrence déloyale

Installation classée, Jurisprudence, Responsabilité

Par un arrêt du 21 janvier 2014 (Sté Revival c./ Sté Marchetto, n° 12-25443), la Cour de cassation a posé dans des termes clairs une règle capitale : le fait d’ « exploiter une installation classée sans autorisation et en violation de la réglementation en vigueur » constitue ipso facto un acte de concurrence déloyale justifiant l’allocation de dommages et intérêts à l’exploitant respectueux des règles. Elle précise en ce sens que « la qualification de concurrence déloyale ne suppose pas que les faits incriminés aient procuré un profit à leur auteur« . 

Un exploitant d’une installation de broyage de VHU (véhicules hors d’usage) constatait depuis 2 ans que son concurrent exploitait la même activité sans autorisation. Le préfet n’avait pas donné suite aux demandes d’intervention du concurrent loyal, n’avait pas dressé de procès verbal d’infraction et avait finalement délivré l’autorisation nécessaire… Devant la Cour d’appel de Paris (arrêt du 30 mai 2012), la société Marchetto fut condamnée à verser à la société Revival la somme de 50 000 € à titre de dommages et intérêts à raison d’une « faute génératrice d’un trouble commercial pour un concurrent« , sur le fondement de l’art. 1382 c. civ. Décision confirmée par la Cour de cassation.

Cette somme de 50 000 € a été retenue par le juge d’appel « au regard tant de la nature du marché considéré, que de la marge brute habituellement générée par l’activité concernée ainsi que de la durée de l’exploitation irrégulièrement exercée par la société Marchetto ». 

Même sans aller jusqu’à l’exploitation sans autorisation, la Cour d’appel juge que le simple « défaut de respect de la réglementation administrative dans l’exercice d’une activité commerciale constitue une faute génératrice d’un trouble commercial pour un concurrent« .

Outre qu’elle protège utilement les intérêts de l’exploitant qui s’attache au respect de la réglementation, cette décision constitue un puissant facteur de respect du droit de l’environnement. Chaque exploitant d’installation classée sait désormais que lorsqu’il méconnait la réglementation, trois personnes peuvent l’atteindre :

  • les pouvoirs publics bien sûr, étant rappelé qu’en présence d’une violation des prescriptions applicables, le préfet est en principe tenu de prendre une mise en demeure (art. L171-8 c. env.);
  • l’association agréée pour la protection de l’environnement, fondée à demander réparation de son préjudice moral en cas d’infraction au code de l’environnement (sur la base de l’article L142-2 c. env.), alors même qu’aucun dommage environnemental n’est constaté (Cass. civ 3. 8 juin 2011, n° 10-15500);
  • et enfin, le concurrent respectueux de la réglementation (cf. jurisprudence ici commentée)

On pourrait même ajouter, en cas de trouble spécial et anormal avéré, le voisin subissant les nuisances générées par l’ICPE.

L’information sur les mises en demeure et les sanctions administratives est accessible sur les sites internet des préfectures (dans les Hauts-de-Seine par exemple). La base des installations classées contient d’autres informations publiques, notamment les arrêtés de prescription initiaux et complémentaires.

> Cass. com. 21 janvier 2014, n° 12-25443