BLOG

Déchets : qu’est-ce qu’un propriétaire « négligeant »?

Déchet, Installation classée, Jurisprudence, Responsabilité, Uncategorized

La société Wattelez continue d’alimenter la jurisprudence en matière de droit des déchets et ICPE.

On se souvient qu’au dernier épisode, le Conseil d’Etat avait dit pour droit que « le propriétaire du terrain sur lequel ont été entreposés des déchets peut, en l’absence de détenteur connu de ces déchets, être regardé comme leur détenteur au sens de l’article L.541-2 du code de l’environnement, notamment s’il a fait preuve de négligence à l’égard d’abandons sur le terrain » (CE 26 juillet 2011, Cne de Palais-sur-Vienne, n° 328651, arrêt dit « Wattelez II », confirmé par CE 1er mars 2013, Sté Natiocrédimurs, n° 354188 et convergeant avec Cass. civ. 3, 11 juillet 2012, n° 11-10478) (voir ici).

Dans un arrêt rendu le 25 septembre qu’on peut appeler « Wattelez III », le Conseil d’Etat a précisé ce qu’il entend par un comportement négligeant de la part du propriétaire non exploitant. Le juge observe que :

les requérants s’étaient abstenus de toute surveillance et de tout entretien du terrain en vue, notamment, de  limiter les risques de pollution de la Vienne et les risques d’incendie, ni procédé à aucun aménagement de nature à faciliter l’accès au site des services de secours et de lutte contre l’incendie et qu’ils n’avaient pris aucune initiative pour assurer la sécurité du site ni pour faciliter l’organisation de l’élimination des déchets (…)

[Le gérant] avait chargé une entreprise de travaux publics, sans autorisation préalable, d’enfouir les déchets dans les dépressions naturelles du site pour les faire disparaître et avait d’ailleurs été condamné à raison de ces faits pour exploitation sans autorisation d’une installation classée pour la protection de l’environnement par un arrêt du 3 novembre 1993 de la cour d’appel de Limoges, confirmé par la Cour de cassation (…)

[La société Wattelez] avait refusé à l’Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie l’autorisation de pénétrer sur le site pour en évacuer les produits toxiques et en renforcer la sécurité

Sans surprise, il en conclut que :

au vu de l’ensemble des circonstances qu’elle a ainsi relevées, la cour administrative d’appel de Bordeaux (…) a donné aux faits qui lui étaient soumis une exacte qualification juridique et n’a pas commis d’erreur de droit en jugeant que les requérants avaient fait preuve de négligence à l’égard des abandons de déchets sur leur terrain et en en déduisant qu’ils devaient être regardés comme détenteurs de ces déchets au sens de l’article L. 541-2 du code de l’environnement

Il s’agit d’un cas d’espèce qui n’est pas des plus éclairant tant la conduite du propriétaire parait ici manifestement négligente. A contrario, le Conseil d’Etat précise cependant ce que le propriétaire aurait du faire pour ne pas être jugé négligeant : surveiller et entretenir le terrain en vue de limiter les risques de pollution et d’incendie; faciliter l’accès au site des services de secours et de lutte contre l’incendie ou encore prendre des initiatives pour assurer la sécurité du site et faciliter (à défaut de mettre en oeuvre) l’élimination des déchets (par l’ADEME par exemple). Une sorte de guide des bonnes pratiques pour les propriétaires qui se trouvent dans une situation similaire; à adapter au cas par cas cependant, selon la nature et les risques liés aux déchets en cause.

A la barre, l’avocat de la société Wattelez rappelait que le Conseil d’Etat ayant lui-même jugé en 1997 que « les risques de nuisance que présentaient les déchets entreposés dans ladite usine doivent être regardés comme se rattachant à l’activité de la société EURECA » (CE 21 février 1997, n° 160787, arrêt Wattelez I), imputer aujourd’hui ces risques à la société Wattelez paraissait totalement contradictoire.

C’est tout l’intérêt de l’arrêt Wattelez II, qui permet justement d’aller rechercher un propriétaire négligeant lorsque le dernier exploitant n’est pas connu ou a disparu. Mais cet intérêt se limite aux déchets meubles entreposés en surface dès lors que les sols pollués ne peuvent pas être qualifiés de déchets (art. L. 541-4–1 c. env.). Ce point demeure un « angle mort » du droit des sites pollués.

Le rapporteur public observait quant à lui que les actions menées en justice par la société Wattelez pour dénouer cette situation difficile ne permettent pas d’écarter la négligence du propriétaire.

Ce dernier est donc qualifié de détenteur des déchets. En application de l’article L. 541-2 c. env., il est « responsable de la gestion de ces déchets jusqu’à leur élimintation ou valorisation finale, même lorsque le déchet est transféré à des fins de traitement à un tiers« .

> CE 25 septembre 2013, Société G…,, n° 358923, Mentionné aux tables