BLOG

Sites et sols pollués et tiers demandeur : quelques conseils pratiques

Installation classée, Sols pollués

Un point d’actualité en premier lieu : l’exigence de garantie à première demande à la charge du tiers demandeur a bel et bien disparu. La loi biodiversité du 8 août 2016 modifiait l’article L. 512-21 en ce sens (voir ici) ; le décret n° 2017-1456 du 9 octobre 2017 supprime à son tour cette exigence en modifiant l’article R. 512-80 du code de l’environnement. Une simple garantie bancaire devra désormais être constituée, ce qui devrait rendre moins onéreux et plus fréquent le recours au mécanisme du tiers demandeur.

A date, nous avons entendu parler d’une dizaine de dossiers en cours et quelques arrêtés déjà adoptés. Pour information, nous joignons par exemple l’AP du préfet du Rhône du 4 juillet 2017 relatif au site Usichrom.

Au regard de l’expérience que nous avons acquise en la matière et de la présentation générale que nous avions publiée au Moniteur (ici), nous partageons ici quelques conseils pratiques et généraux :

Etapes prépartoires:

  • Pour convaincre le vendeur et l’acquéreur du site de l’intérêt de recourir à ce nouveau dispositif (en vigueur depuis le 21 août 2015), il est nécessaire de déployer une bonne dose de pédagogie et d’exposer clairement les risques auxquels ils s’exposent respectivement. Le risque le plus important est évidemment pour l’acquéreur  qui prend la charge de la réhabilitation, mais cela va de pair avec de nombreux avantages, surtout en termes de gain de temps et de maîtrise du projet immobilier.
  • Pour prendre acte de l’accord des deux parties sur le recours au mécanisme du tiers demandeur et plus généralement sur les conditions de la vente, dont le prix, un protocole d’accord sera utilement signé avant la promesse de vente. A travers ce protocole, le vendeur (également dernier exploitant ICPE, le cas échéant) pourra mandater l’acquéreur en vue de la consultation du maire sur l’usage futur du site et du dépôt auprès du préfet d’un dossier de demande d’accord préalable, afin d’anticiper et de gagner du temps.
  • Il convient de prendre attache avec la DREAL et le maire bien en amont afin de s’assurer de leur soutien dans cette démarche de substitution, en explicitant bien l’usage futur envisagé par l’acquéreur.
  • Avant de s’engager sur le prix d’achat, l’acquéreur aura tout intérêt à connaitre avec précision le coût de la réhabilitation qu’il devra assumer en tant que tiers demandeur. Pour ce faire, même si le vendeur a fourni ses propes études de sol, il sollicitera un bureau d’étude qui produira un diagnostic environnemental précis sur l’état initial du site et sur les coûts prévisibles de la réhabilitation au regard du projet immobilier.
  • Le volet immobilier (promesse de vente et réiteration par acte notarié) et la procédure de tiers demandeur ne suivent pas le même calendrier. Il convient de coordonner les deux. Il faut compter classiquement trois mois entre la promesse et la réiteration. Pour la procédure de tiers demandeur, compte tenu des délais prévus par la loi, compter environ 12 mois entre la consultation du maire (ou du président de l’EPCI compétent en matière d’urbanisme) et l’arrêté préfectoral portant mesures de rehabilitation à la charge du tiers demandeur. Puis deux mois supplémentaires pour la purge de cet arête préfectoral et a priori un mois de plus pour la constitution des garanties financières. Soit un total de 15 mois selon un calendrier conservateur. Afin d’avoir des jalons en tête pour la gestion de projet, préparer un rétro-planning en accord avec les deux parties.
  • Le vendeur souhaitera se protéger en posant comme condition suspensive à la vente l’aboutissement de la procédure de tiers demandeur. Sans cela, il perdrait la maîtrise du foncier tout en gardant la charge de remise en état. Du point de vue du vendeur, la substitution sera acquise lorsque (i) l’AP imposant la réhabilitation sera purgé de tout recours et lorsque (ii) le tiers demandeur aura communiqué au préfet l’attestation de constitution de la garantie financière. La vente pourra être confirmée lorsque la plus tardive de ces deux conditions sera réalisée – soit environ 15 mois après la promesse de vente si la procédure de tiers demandeur n’a pas été anticipée.Autrement dit, le recours au tiers demandeur ralentit considérablement  le processus de cession immobilière. Mais cela reste plus rapide que la remise en état en deux temps (dernier exploitant pour un usage industriel puis promoteur immobilier pour un usage commercial et/ou résidentiel) qui était de mise avant le tiers demandeur. Pour mémoire, depuis la réforme du droit des obligations, sauf stipulation contraire, la vente ne rétroagit plus à la date de la promesse (cf. art. 1304-6 c. civ.) : en comptabilité, elle apparait à la date de la réiteration. Toutefois, si le terrain est vendu à perte, la provision correspondante apparaitra a priori dans les comptes du vendeur au moment de la promesse.
  • Veiller à la bonne cohérence entre les différents contrats : protocole d’accord initial le cas échéant, promesse de vente et convention de substitution.
  • Sur ce point, la promesse de vente prévoit souvent un faculté de substitution du bénéficiaire de la promesse. Une substitution qu’il n’est pas possible de mettre en place dans le cadre de la procédure de tiers demandeur dans la mesure où l’AP de réhabilitation n’est pas transférable (cf. les capacités financière et techniques et les garanties financières propres au tiers demandeur choisi par le préfet). Dans ces conditions, il convient soit de supprimer la clause de substitution dans la promesse, soit de prendre acte que le bénéficiaire de la promesse et le tiers demandeur peuvent être deux personnes différentes. Une situation appellant un accord entre elles pour gérer la réhabilitation.

La convention de substitution entre le dernier exploitant et le tiers demandeur :

  • Il est à noter en premier lieu qu’il n’existe aucune trame type de convention de substitution, ni via le Ministère, ni via les DREAL. Il appartient donc aux juristes et avocats de rédiger avec soin ce nouveau type de contrat.
  • Devant une procédure nouvelle, un acte d’avocat – contresigné par les avocats du vendeur et de l’acquéreur – apporte un gain de sécurité pour les parties.
  • La convention de substitution ne se confondra pas avec la promesse de vente dont l’objet est différent. L’objet de la convention de substitution est relativement simple : formaliser par voie contractuelle l’accord entre le dernier exploitant et le tiers demandeur, sachant que la procédure est largement balisée par les textes.
  • Bien que les textes ne fassent aucune référence à cette convention de substitution, elle reste nécessaire pour trancher au moins quelques points :
    • transférer la responsabilité sur tout ou partie du site
    • prévoir qui assumera, à compter de sa signature, la charge de la surveillance environnementale du site et sur quel périmètre (site et hors site?) – sous réserve de ce qui sera prévu par l’AP de réhabilitation. Il est rappelé que les mesures de mise en sécurité restent à la charge du dernier exploitant.
    • mandater le futur tiers demandeur pour qu’il engage la procédure auprès du préfet et du maire.
    • contractualiser l’usage futur du site.
    • prévoir une obligation de transparence et éventuellement de contrôle préalable par le dernier exploitant des documents transmis par le tiers demandeur à l’administration.
  • En outre, la convention pourra :
    • prévoir classiquement que le tiers demandeur renonce à tout recours contre le dernier exploitant en lien avec l’état du site.
    • rappeler que les parties sont pleinement informées des mécanismes du tiers demandeur et de leur portée en visant les articles idoines du code de l’environnement, notamment les dispositions relatives à la garantie financière.
    • rappeler que le tiers demandeur fera ses meilleurs efforts pour que la procédure de substitution aboutisse (sans quoi la vente ne sera pas confirmée).
    • préciser si le tiers demandeur peut déposer une demande de permis de construire (ou de démolir) pendant l’instruction de la demande de tiers demandeur, et éventuellement exécuter l’autorisation.

Même si la convention de substitution reflète a priori le dispositif qui sera pris par le préfet dans le cadre de l’AP de substitution, cette convention n’est pas opposable à l’administration, comme tout contrat privé. De fait, elle n’a pas à être transmise à l’administration.

Il est rappelé que le mécanisme de tiers demandeur peut être mis en place sur un site dont le dernier exploitant n’est pas connu (cf. art. R. 512-79). Dans ce cas, il n’y aura pas, cela va de soi, de convention de substitution.

N’hésitez pas à nous solliciter pour plus d’information.